Le Chapitre 10 de l’AECG : La mobilité des professionnels au service de la croissance des entreprises et de l’expansion du commerce transatlantique

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Me Dylan Alary, avocat en immigration.  mise à jour 12 mars 2024.

Accord Économique et Commercial Global (ci-après « AECG »), plus connu sous son acronyme anglophone, CETA, est un accord de libre-échange signé en 2016 entre le Canada et l’Union européenne.

Ce dernier est venu souligner et renforcer la relation entre ces deux puissances transatlantiques, notamment en matière d’échanges commerciaux et d’investissements, de développement, mais aussi de mobilité de main-d’œuvre.

Signe de son succès, depuis la signature de l’accord, les échanges bilatéraux de biens et de services ont augmenté de 65%. Pour l’année 2022 seulement, ce sont près de 900 millions de dollars canadiens économisés en droits de douane. Un montant non négligeable, lorsque l’on sait que la majorité des entreprises qui bénéficient de cet accord sont des PME [1].

L’emploi n’est pas en reste : en 2019, près de 700 000 emplois étaient liés aux échanges commerciaux entre le Canada et l’Union européenne.

Accord commercial majeur pour les deux parties, un chapitre sur la mobilité de la main-d’œuvre était essentiel. Pour permettre aux échanges commerciaux de réellement florir, et aux investissements de s’accroître amplement, la fluidité des transferts de talents est cruciale. Le Canada et l’UE ont donc prévu des mesures facilitantes pour les séjours temporaires de personnel clé et de professionnels sur le territoire de l’autre partie.

Le Chapitre 10 de l’AECG offre de la prévisibilité pour les ressortissants concernés de chaque côté de l’Atlantique, se concentrant sur les cadres supérieurs et les professionnels qualifiés. À date, l’accord ne prévoit pas de facilitation pour les travailleurs peu qualifiés. Il confirme également l’interdiction, sauf exception, de limiter l’accès de son marché intérieur aux ressortissants de l’autre partie visés, et à leur assurer un traitement équitable une fois les autorisations de travailler obtenues [2].

Le personnel clé, essentiel à l’établissement d’investissements transatlantiques

Lors de la création du Chapitre 10, le Canada et l’UE ont d’abord souhaité renforcer les investissements transatlantiques et faciliter l’implantation de filiales et de succursales. Le personnel clé regroupe ainsi les cadres supérieurs, stagiaires diplômés et travailleurs hautement spécialisés faisant l’objet d’un transfert intragroupe. Pour eux, comme pour les investisseurs et les visiteurs en déplacement d'affaires, des mesures de simplification sont prévues.

Les cadres supérieurs et spécialistes peuvent ainsi bénéficier d’un transfert facilité allant jusqu’à quatre ans et demi. Cette durée conséquente relativement à d’autres types de transferts leur permet de s’insérer dans le marché du travail, pour y développer les activités de leur société. L’AECG va d’ailleurs encore plus loin que les programmes plus généraux pour ce type de professionnels. Toute société, qu’il s’agisse d’une PME ou d’une multinationale, de même que leurs travailleurs partenaires, peuvent bénéficier de ces mesures [3].

L’AECG insiste également sur l’importance de renforcer et de faciliter les investissements entre les parties. Dans cette optique, il permet aux visiteurs d’affaires de rentrer sur le territoire pour des courtes durées ou à des fins d’investissements sans nécessiter d’obtenir un permis de travail. Le tout, trois mois par périodes de six mois, tant que ceux-ci ne rentrent pas sur le marché du travail de l’autre partie, qu’ils ne sont pas rémunérés au Canada et qu’ils ne viennent que dans le cadre d’une des activités énumérées au sein du Chapitre [4].

Il permet également à des investisseurs d’obtenir un permis de travail d’un an renouvelable, lorsque ces derniers viennent dans l’autre partie pour engager ou exploiter des capitaux importants, en leur nom ou au nom de l’entreprise qui les embauche [5].

Les professionnels qualifiés, au cœur de la mobilité internationale

En plus du personnel clé, le Chapitre 10 de l’AECG couvre principalement deux types de professionnels : les fournisseurs de services contractuels et les professionnels indépendants. Ces derniers peuvent venir jusqu’à un an, renouvelable par période de deux ans. Ces deux types de professionnels ont ainsi la possibilité de soutenir les activités d’une société sur le territoire de l’autre partie, lorsqu’un contrat en vue de fournir un service a été conclu [6].

Également, bien que l’accord se concentre principalement sur les professionnels hautement qualifiés, il inclut tout de même une mention pour les technologues en génie et en sciences. Ces derniers doivent venir exécuter un contrat de service pour un client sur le territoire d’une autre partie, dans le même cadre que pour les fournisseurs de services contractuels et les professionnels indépendants [7].

En parallèle, et en plus des mesures de l’AECG, les ressortissants canadiens tout comme les ressortissants de l’Union européenne sont exemptés de visa lorsqu’ils voyagent d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique [8]. Cet avantage notable, en plus des mesures prévues dans l’AECG, permet notamment de soumettre des demandes de permis de travail canadien à un point d’entrée. Il s’agit là d’un gain de temps majeur dans les démarches des professionnels mobilisés, particulièrement lors de leur venue au Canada puisque cet avantage peut parfois supprimer les délais de traitements, qui sont l’un des principaux freins à la mobilité de main-d’œuvre.

Pour bien comprendre la portée de l’AECG, il faut retenir qu’il ne s’applique qu’à l’admission temporaire de la main-d’œuvre mentionnée, et ne porte pas sur l’emploi permanent, la citoyenneté ou la résidence. Également, bien que l’accord ait été négocié et signé alors que le Royaume-Uni était encore membre de l’Union européenne, les mesures ont pu demeurer entre le Canada et le Royaume-Uni, dans les mêmes termes, selon l’Accord de Continuité Commerciale négociée entre les deux parties.

L’AECG constitue donc un avantage économique d’envergure, autant pour les entreprises canadiennes que les entreprises européennes. L’accord, pourtant en vigueur depuis plusieurs années, est malheureusement encore trop peu utilisé, selon les dires même des autorités de chaque pays. Ses mesures sur la mobilité de main-d’œuvre ont déjà permis à de nombreuses sociétés de s’établir sur le territoire de chaque partie, et d’y créer des opportunités économiques non négligeables.

L’accentuation des demandes d’entrée en vertu du Chapitre 10 est essentielle aux échanges commerciaux entre le Canada et l’Union européenne et chacune des parties à tout intérêt à ce que ces mesures soient mieux connues et utilisées. L’implantation accrue d’entreprises et de ressources permettra de renforcer les liens entre ces partenaires historiques et soutenir leurs économies face aux défis du XXIe siècle.

 

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