Le Canada, cette autre porte d'entrée sur le marché nord-américain

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Par Richard Hiault I les Echos I Publié le 4 janv. 2025 à 11:01

Les investisseurs européens se tournent aussi vers le grand voisin des Etats-Unis pour leurs projets en Amérique du Nord. Les secteurs des composants électroniques, des énergies renouvelables et des logiciels ont le vent en poupe. Mais la donne pourrait changer.

Le Québec et la ville de Montréal restent une destination de choix pour les entreprises européennes.

Le Québec et la ville de Montréal restent une destination de choix pour les entreprises européennes. (Shutterstock)

Riche en matériaux essentiels à l'industrie, doté d'un réseau énergétique compétitif, d'une main-d'oeuvre qualifiée abondante et bénéficiant d'un emplacement stratégique des plus enviables, le Canada a, jusqu'ici, constitué une porte d'entrée sur le marché américain. A l'avenir, la donne pourrait changer. Le Premier ministre, Justin Trudeau, est en grande difficulté. Les appels à la démission se multiplient, laissant augurer des élections prochaines et un nouveau cadre politique.

Surtout, le prochain président américain, Donald Trump, a fait une entrée fracassante sur la scène canadienne en menaçant d'instaurer des droits de douane de 25 % sur les produits canadiens exportés vers les Etats-Unis . Le conflit potentiel est suffisamment important pour avoir poussé, le mois dernier, Justin Trudeau, puis le tout nouveau ministre canadien des Finances accompagné de la chef de la diplomatie canadienne, à se déplacer à Mar-a-Lago, la résidence de Donald Trump, pour évoquer le sujet.

Une discorde sur la politique à mener avec la nouvelle administration Trump entre la précédente vice-Première ministre, Chrystia Freeland, et le chef de l'exécutif a conduit à la démission fracassante de la première et à un remaniement du gouvernement .

Regain d'intérêt depuis l'IRA

De passage à Paris le mois dernier, Laurel Broten, PDG d'Investir au Canada, l'agence de promotion des investissements créée en 2018, se veut sereine. « Beaucoup d'Etats américains ont comme premier marché d'exportation le Canada. Quand on regarde les chiffres en détail, les échanges commerciaux sont bénéfiques à la fois pour les Etats-Unis et le Canada. Rien que pour l'automobile, l'intégration des chaînes de valeur entre les deux pays est telle qu'il sera coûteux d'instaurer de tels droits de douane », assure-t-elle. Le marché canadien resterait donc attractif.

En 2023, les flux d'investissements directs étrangers (IDE) ont atteint 62,3 milliards de dollars, après 60,1 milliards l'année précédente. De manière logique, ce sont les entreprises américaines qui détiennent les stocks d'investissements les plus élevés (697 milliards en 2023), selon les statistiques d'Investir au Canada. Les entreprises européennes ne sont pas loin, puisqu'elles ont investi quelque 467 milliards de dollars dans le pays. « Nous constatons d'ailleurs un regain d'intérêt depuis l'adoption par les Etats-Unis de l'Inflation Reduction Act (IRA) », témoigne Laurel Broten.

« L'an dernier, nous avons enregistré une hausse de plus de 100 % des investissements dits durables », ajoute-t-elle. Dans le contexte géopolitique actuel et compte tenu des tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, le Canada tire son épingle du jeu. Le pays se situe ainsi à la première place dans la chaîne d'approvisionnement mondiale de batteries pour les véhicules électriques. Au début de l'année 2024, il a même dépassé la Chine dans ce domaine, selon le rapport annuel réalisé par Bloomberg New Energy Finance.

Depuis 2022, bon nombre des plus grands constructeurs de batteries ont investi dans ces chaînes d'approvisionnement. PowerCo, détenu par l'allemand Volkswagen, le sud-coréen LG Energy ou le belge Umicore en font partie. Les constructeurs automobiles tels que Stellantis, General Motors et Ford sont également présents.

Le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, le PDG de Porsche et Volkswagen, Oliver Blume, et le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, lors de l'officialisation, en avril 2023, de la création d'une usine de batteries du constructeur allemand en Ontario.

Le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, le PDG de Porsche et Volkswagen, Oliver Blume, et le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, lors de l'officialisation, en avril 2023, de la création d'une usine de batteries du constructeur allemand en Ontario.DPA Picture-Alliance via AFP

De multiples champs d'intérêt

Mais l'intérêt ne s'arrête pas au seul secteur automobile. Depuis 2015, les Européens ont investi en priorité dans les composants électroniques (25 milliards de dollars), les logiciels et services informatiques (10,7 milliards), les énergies renouvelables (15 milliards), les communications (7,1 milliards) ou encore les métaux (6,8 milliards). Depuis 2018, les investissements allemands ont explosé (+520 %), de même que ceux du Japon (+300 %).

Les Français sont encore loin. Au cours des dix dernières années, ils ont investi 13,5 milliards de dollars, pour atteindre un stock d'environ 15 milliards aujourd'hui. Plus de la moitié des projets se sont concentrés dans la province de Québec, suivi de l'Ontario (21 %) et de l'Alberta. Parmi les opérations réalisées cette année, on recense Airbus au Québec pour l'amélioration de son A220, Michelin en Nouvelle-Ecosse pour une usine de pneus destinés aux véhicules électriques, Air Liquide au Québec pour une unité de production d'oxygène et d'azote, ou encore Sanofi en Ontario pour un centre de production de vaccins.

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Il est vrai que la Canada a de quoi attirer l'intérêt. « C'est une porte d'entrée pour le marché des Etats-Unis, bien sûr. Mais le Canada a signé aussi 15 accords commerciaux de libre-échange avec 51 pays dans le monde, ce qui offre des opportunités d'exportations », souligne Laurel Broten. Autre atout mis en avant par la PDG d'Investir au Canada : son énergie propre. Le Canada, grand producteur d'énergies fossiles, souvent critiqué pour l'exploitation très polluante de schistes bitumineux, a récemment beaucoup investi dans les énergies vertes.

« Grâce à l'hydroélectrique, à l'éolien et au solaire, 83 % de l'électricité produite au Canada n'émet pas de carbone », précise-t-elle. Il faut y ajouter des coûts compétitifs. Selon les données de Globalpetrolprices, le coût du kilowattheure dans le pays n'est que de 0,11 dollar, contre 0,145 aux Etats-Unis, 0,177 en France ou encore 0,237 en Allemagne.

S'ajoutent les incitations fiscales. Pour les nouveaux investissements des entreprises, le Canada dispose d'un cadre plutôt favorable. En tenant compte des prélèvements au niveau fédéral, provincial et territorial, des crédits d'impôts et des possibilités de déductions pour les amortissements, le taux d'imposition effectif des bénéfices est de 14,5 %. C'est le plus bas niveau des pays du G7.

Richard Hiault

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